Molineuf, les fesses de Bruno Lemée galvanisent la promenade artistique

Faites de fils de fer tordus, les sculptures de Bruno Lemée ont galvanisé le public de la promenade artistique de Molineuf. Entre les fesses et le sexe de son Roméo en bois flotté, les visiteurs ne savaient plus où donner de la tête. Exposées dans la cour de la mairie de la petite commune près de Blois (le Neuilly du Loir-et-Cher), ces sculptures si enthousiastes frappaient d'emblée par leur créativité, les fils de fer entortillés étant juste le contour des formes et mouvements des personnages, hommes ou animaux, le vide alors comblé par des morceaux de bois flotté polis au fil du temp par le sel des océans et drossés sur les côtes où l'artiste les a ramassés. On avait l'impression de voir des écorchés vifs émules de Terminator lors du Jugement Dernier surtout exaltés par une grâce divine dans les courbes de l'intimité.  "C'est génial", "admirable", "ingénieux...", entendait-on parmi les commentaires des visiteurs émerveillés qui s'attardaient longuement devant chaque sculpture pour en admirer toutes les subtilités, l'artiste ayant choisi pour son "Duo d'amoureux" de représenter les seins par des morceaux de bois flotté galbés comme des poires et façonnés par la fureur des vagues allant également, sans aucune censure, jusqu’à prendre une branche raide tel un bâton de berger, et au noeud circonstancié, pour le sexe de son Roméo. Tout cela conçu avec élégance et agilité comme cette cavalière du "Jeux d'équestre", dans un subtil numéro de voltige en équilibre sur la selle du cheval ou encore les yeux rieurs du "Chimpanzé" semblant se jouer de nous.

Sans aucun doute Bruno Lemée, dont l'atelier se trouve à Aigremont en région parisienne, a éclipsé un autre sculpteur plus local venant de Tours, Michel Audiard, pourtant l'invité d'honneur de cette promenade artistique de Molineuf et qui exposait entre autres également dans la cour de la mairie. Il est vrai que la plastique des sculptures de celui-ci, qu'elles soient de bronze ou de résine de polyester, manquent d’une originalité certaine, tout comme dans un autre genre les tableaux de peinture abstraite de Magdalena Maler, venue de Chambéry et encensée dans les colonnes de La Nouvelle République, alors que son exposition  décevait nombre de visiteurs, l'ensemble manquant d'un relief certain surtout en ouverture de la promenade dans le pavillon vitrée attenant à la mairie aux murs recouverts d'un simple drap blanc pour "faire galerie" laissant apparaître le papier à fleurs en dessous. Pas très esthétique, il faut l'avouer. 

Le conseiller délégué à la vie culturelle et artistique, André Mandard, qui chapeaute cette promenade artistique, dont c’était cette année la I3ème édition, devrait avoir plus d'exigences dans la mise en scène des œuvres et le choix artistique, mais surtout rendre plus accessibles certains lieux d'exposition pour pouvoir juger pleinement la quarantaine d'artistes invités. Pour s'y déplacer, il valait mieux ne pas être âgé ou handicapé. Quel calvaire pour eux de grimper cette côte raide afin d'aller voir les traits féminins ou masculins du peintre Wilma Van Rooijen à l'annexe de l'hôtel du Pont ou encore les peintures d'Alain Fromeux et de Délice au Hang'Art. Beaucoup y ont renoncé. Ceci sans parler de l'échappée aux Rinceaux pour tenter d'admirer la main géante du performeur italien Pedro Marzorati, autre vedette star de cette déambulation molineuvoise.

Pour les personnes à mobilité réduite, le sentier pédagogique semblait bel et bien interminable avec ses planches de bois surplombant les marécages ressemblant plus à un égout à ciel ouvert qu'à un chemin bucolique avec cette crainte de glisser et de tomber dans la vase. "Au secours" avait-on envie de crier tout en chassant les moustiques qui tournoyaient autours de vous et envahissent Molineuf, se demandant quels sont les esprits bistournés qui ont eu l’idée de conserver un tel lieu humide au lieu de faire une base de loisirs. Au périple des dédales, les visiteurs découvraient enfin la main émergeant de l'eau, comme si un géant de bois vivait dans cette vase au milieu des grenouilles qu'il faut préserver. C'est écologique parait-il. Certains s'en amusaient pensant que Gepetto avait choisi pour son nouveau Pinocchio le démesure. Personnellement, j'étais bien heureux qu'il fasse encore jour. Car avec les branches d'arbres morts aussi sombres que des corbeaux, la scène faisait surtout penser aux ténèbres du film fantastique de Tim Burton "Sleepy Hollow : La Légende du cavalier sans tête" avec Johnny Depp qui lutte contre l'arbre de mort aux branches mouvantes tels des vampires et dont le tronc torturé dégorge de têtes, celles-là-même que le cavalier sans tête a décapitées. Comme broyé par l’imaginaire de cet environnement, j'avais alors l'impression, en compagnie de ma nièce Marie, que le cavalier sans tête allait surgir au loin, mais surtout que la main allait s'articuler pour choper les visiteurs, les happer d'un trait, jusqu'à les entrainer dans une mécanique morbide de vases communicants aux tréfonds de ces marécages d'un autre temps d'autant que le dragon de feu bleu et orange du sculpteur Gwendoline Dolbeaut-Bezat semblait s'amuser de la situation au milieu d’herbes folles.

Kävin'Ka